1984. Entièrement dédié au Commodore 64, Véga sera notre premier jeu vidéo publié. C'est un jeu de "scrolling" (défilement) de la catégorie "Shoot them up" (Dégomme tout ce qui bouge). Un petit vaisseau se déplace sur le sol d'une planète éloignée, le joueur peut choisir son mode de propulsion, roues, ressorts, pattes d'araignées... Des myriades d'aliens vindicatifs attaquent bien entendu le vaisseau... Vous pouvez voir des captures d'écran ici. Nous avions été très fortement impressionnés par le jeu "Attack of the mutant camels" de "Llamasoft", du grand gourou Jeff Minter, Yak pour les intimes... Comme d'hab' on écrit un assembleur/désassembleur en Basic, puis on s'en sert pour le réécrire en assembleur, ainsi que tous les outils associés : dessin des différents niveaux, éditeur graphique, enfin, on écrit le programme sur papier et on le saisit. Vers la fin du développement, nous n'avions toujours pas de musique pour le sonoriser. Un membre du club informatique, Marc Tarabbia, utilisa la première version de "K-Muse" pour transcrire la Toccata et Fugue de J.S. Bach. Aussitôt adopté, ce morceau sera la musique de Véga. Nous envoyons une version de notre création à différents éditeurs de jeux du moment. Loriciels y répond favorablement, mais nous demande une version sur disquette. Nous achetons donc un lecteur de disquette 5 "1/4 (le "1541"), et créons une protection anti-copie. Au passage le 1541 était un vrai ordinateur autonome avec ROM/RAM et processeur 6502... Des fadas avaient même écrit un programme, qui, lancé sur le lecteur de disquette, faisait jouer God Save The Queen par des vibrations de la tête de lecture... Et ça continuait à jouer même quand on éteignait l'ordinateur. Véga sort dans les bacs. Il est même vendu à la FNAC. Pour nous, cela fait tout drôle... Sur un logiciel vendu 120FF en magasin, nous touchons 10FF. Le succès de Véga sera modeste mais le chèque reçu permettra à Olivier de s'acheter son premier synthé, un Casio CZ 101, et moi un poste de radio stéréo. Véga sera surtout pour nous la révélation que notre travail de programmation était plus qu'un hobby ou une simple passion, mais qu'il pouvait peut être aussi devenir un métier... |
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by Didier Guillion | | | |
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En 1984, nous faisons l'acquisition d'un Commodore 64, le grand frère du Vic 20. C'est une machine qui nous marquera profondément. Seul l' Amiga 500, quelques années plus tard, nous fera le même choc. La mémoire du CBM 64 est confortable, le clavier est solide et ergonomique, mais surtout les circuits vidéo et sonore sont futuristes. Comme le processeur de ces machines est encore lent (6510 à 1.023 Mhz), les concepteurs ont décidés de "doper" les circuits annexes. Par exemple est proposé une notion révolutionnaire, récemment créée par Atari, les Sprites. Ce sont des graphismes indépendants, de 24 pixels par 21 pixels, que l'on peut afficher où l'on veut sur l'écran, en plusieurs plans. C'est le circuit vidéo qui gère les transparence, opacité et... collisions ! C'est proprement fabuleux ! Et offre des possibilités inimaginables pour les jeux vidéo. Deux "pokes" bien placés et le sprite change instantanément de position et de forme. Le circuit sonore n'est pas à la traîne. Un vrai circuit polyphonique trois voix. Nous écrivons notre premier programme de composition musicale K-Muse. La saisie de la musique se fait sous forme d'un texte décrivant les hauteurs de notes. C'est d'ailleurs très proche de ce qui sera plus tard le format musical ABC. Cet éditeur évoluera au cours des années. Jamais publié mais jamais oublié, il sera utilisé par Gilles Soulet notre compositeur attitré pour sonoriser les jeux qui suivront. Emballés par cette machine stupéfiante, nous nous lançons dans notre premier jeu vidéo "sérieux": Véga. |
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by Didier Guillion | | |
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1983. Alors que l'Internet n'était qu'une vision futuriste, que télématique rimait avec Minitel, les échanges entre passionnés d'informatique passaient par les revues spécialisées, ou mieux encore par les clubs d'informatique. Il y avait de nombreux clubs sur Toulouse, ce qui les différenciait, c'était ce que l'on venait y échanger... Un samedi, dans un club, le père d'un des membres vient le chercher. Ce monsieur a travaillé toute l'après-midi et n'a pas eu le temps de se changer. Il est gendarme... Quand il entre dans la salle du club, on entend crier "Les flics !" et tout le monde s'enfuit en courant par la porte de derrière, laissant sur place les piles de disquettes encore chaudes et les machines à copier. Pas de "copie party" dans notre club. C'était Basic ou Assembleur selon la salle. Et pourtant il y avait du monde. Certains après-midi plus d'une trentaine de personnes de tous âges. Le club était hébergé par une école élémentaire, l'école Pierre et Marie Curie, qui, sur nos conseils, avait acheté un ensemble de 4 ou 5 Vic-20. De notre coté nous leur avions développé un genre de petit Logo, assez proche d'un Basic en Français mais purement graphique : le Logic 1. Le club était donc bicéphale, en semaine, les enfants de l'école, le samedi après-midi, tout public. Les ordinateurs n'avaient guère l'occasion de refroidir... Les élèves de 8 à 11 ans pouvaient ainsi s'initier à la programmation. Pour situer, tout ceci se passait bien avant le plan "Informatique pour Tous" qui allait s'imposer quelques années plus tard et interdire bien entendu ce genre d'initiatives individuelles au nom de l'uniformisation et de la standardisation. Et du même mouvement, dégoûter définitivement plusieurs générations d'élèves et d'enseignants de l'informatique. Le Logic 1 devint rapidement Logic 2, avec une souris graphique "haute résolution" et de nouvelles fonctionnalités comme les sons et les sprites. Logic 1 et 2 seront proposés à des éditeurs pour publication, et l'un d'eux, No Man's Land, les prit dans son catalogue, après les avoir renommés "Logo-Logic 1" et "Logo-Logic 2" pour être sûr que tout le monde comprenne. Le club a duré jusqu'en 1988 pour la partie tout public. Nous avons à cette époque décidé de créer Myriad ce qui nous a pris tout notre temps. Par contre, les enfants ont continué à s'initier à l'informatique bien plus longtemps. Je ne sais pas ce que sont devenus les membres du Club. Ont-ils persévéré dans l'informatique ? Elèvent-ils des chèvres au Larzac ? Si vous vous reconnaissez, si vous vous rappellez de ce temps où l'on cherchait, même à 10 ans, à maîtriser la machine et pas simplement à l'utiliser, envoyez-moi un petit mot... |
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by Didier Guillion | | | |
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Ca y est nous avons notre premier ordinateur ! Bien à nous ! C'est un Commodore Vic-20. Les débuts se font en Basic, mais avec une mémoire faramineuse de 3500 octets, on ne va pas très loin et il faut ruser et encore ruser. Très vite nous récupérons quelques adresses clef qui moyennant un "Poke" (écriture) ou un "Peek" (lecture) permettent de faire une quantité de choses, changer les couleurs du bord de l'écran, la couleur du fond, changer de mode vidéo, accéder au circuit sonore (un vrai circuit trois voix tout de même) etc. Il était possible de faire des graphismes, comme tracer une courbe à l'écran, en reprogrammant l'affichage graphique des caractères. Il arrivait souvent d'avoir un "Out of memory" au milieu du tracé d'une courbe un peu complexe. Nous avons écrit quelques petits programmes, comme un simulateur de système solaire, où les planètes s'attiraient en fonction de leur masse. Après l'acquisition d'un lecteur de cassette qui servait de mémoire de masse, nous accédons à quelques démos (Ah! La chanson des Beatles jouée par l' ordinateur !). Parmi ces programmes, la révélation, "Invaders fall", des petits martiens qui dévalent l'écran avec en bas un vaisseau qui tire des missiles pour les anéantir. Et cela va de plus en plus vite ! Plus vite que ne peut le faire le Basic. Alors nous décortiquons le programme et, fantastique, c'est écrit en assembleur ! Nous passons plusieurs jours/nuit à désassembler à la main le code, le retranscrire sur une grande feuille de papier et à le commenter. C'est décidé, nous allons nous mettre à l'assembleur. Pour ceux qui n'ont pas connu cette époque glorieuse, je rappelle que les ordinateurs étaient livrés, avec comme seul logiciel, un Basic en ROM. Donc, nous commençons par écrire un assembleur/désassembleur en Basic. Puis, lorsqu'il est fonctionnel, nous nous en servons pour écrire... un assembleur/désassembleur en assembleur. Ensuite, pour écrire un programme, il faut faire cohabiter l'assembleur/désassembleur, le programme lui-même, plus ses graphismes dans 3500 octets. Le programme est d'abord écrit sur une feuille de papier, nous le testons "virtuellement" à la main, puis nous le saisissons. Dès son écriture, les adresses des instructions sont figées (il n'y pas de labels), il faut donc prévoir des "points de relâchement" entre chaque sous-routine pour pouvoir éventuellement l'étendre. Et si le point de relâchement s'avère trop court, on reprend la routine suivante, on la réécrit et on la met ailleurs. Quelle rude école, mais ô combien profitable. Les premiers programmes en Assembleur ont commencé à fuser. Un clone de PacMan, appelé BugMan (nous avions décidés de nous appeler la "Business United Games"), un jeu de course de chevaux, un Asteroid, et plein d'autres encore. Comme nous continuions à fréquenter les magasins d'informatique, pour tester des machines comme l'Oric, l'Archimède, le Lynx, nous avons rencontré d'autres passionnés de tout âge qui voulaient aussi s'initier, car c'était frustrant, un ordinateur, quand on ne connaissait pas la programmation. Nous avons donc fondé un Club d'Informatique. |
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by Didier Guillion | | |
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1981. Les premiers ordinateurs véritablement familiaux arrivent. Dans notre petite ville de Toulouse les magasins commencent à apparaître. Au début, ce sont surtout des librairies qui réservent une pièce de démonstration aux ordinateurs, puis des boutiques dédiées à l'informatique fleurissent, il y en aura ainsi plus d'une vingtaine. Certaines avec une durée de vie inférieure à l'année... Comme d'habitude nous nous "incrustons" pour tester les machines, achetant souvent le livre décrivant la '"bête" pour mieux l'explorer chez nous. L'accueil est très variable. A la librairie C***, place du Capitole, nous nous faisons expulser comme des malpropres : "On ne touche pas !". Chez S***, rue Kennedy, la porte nous est grande ouverte, nous y établissons rapidement nos quartiers. La vendeuse, Valérie, comprenant qu'il vaut mieux présenter des machines vivantes aux clients, plutôt que de bêtes écrans avec un "Ready" suivi d'un curseur clignotant, nous laisse occuper le "ShowRoom" à notre guise. Elle nous prête même des chaises pour que l'on puisse travailler assis, le luxe. Au hasard de nos périgrinations nous repérons rapidement, une machine très sympa, mais dont les caractéristiques feraient sourire aujourd'hui, même pour un téléphone portable : 3,5 Ko de Ram, 6502 (8bits) à 1Mhz, affichage textuel de 22 colonnes. Le Vic-20 de Commodore Business Machine. CBM avait auparavant sorti le Pet mais cela n'avait pas fait beaucoup de bruit. Le 6502 c'était le processeur de l'Apple II, l'arlésienne de la micro, il y avait donc une abondante documentation sur ce processeur. Mais voici que débarque une nouvelle machine, qui semble encore mieux : le TI99/4A, de Texas Instrument. Les caractéristiques du TI99 sont plus qu'alléchantes: 16 Ko de Ram (fabuleux) et surtout un processeur 16 bits à 3Mhz ! Nous nous précipitons pour le tester, et là, déception, il se traîne lamentablement. Comme la FNAC propose une démonstration du TI99 par un commercial de Texas Instrument, j'enfourche mon vélo et je vais y participer. Je lui pose donc la question "Comment avec un processeur 16 bits à 3Mhz, le TI99 peut il être plus lent qu'un Vic 20, 8 bits à 1Mhz ?". Sourire suffisant du commercial :" Le TI99 est une machine destinée à un usage familial, nous l'avons voulu plus lent afin que les enfants aient tout le temps de lire ce qui s'affiche à l'écran." Et ce genre d'argument était accepté sans problème par le public, c'est dire à quel point l'informatique familiale débutait. Notre premier ordinateur sera donc un Vic-20, acquis pour la somme de 2 200FF, sans support de stockage les premiers mois. Nous le branchons sur la télé familiale. Et c'est le début de longues soirées en compagnie de cette machine. D'abord le basic, puis le langage qui permet de tutoyer la machine : l'assembleur. |
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by Didier Guillion | | |
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