C'est en 1977 que j'ai rencontré l'informatique. Les débuts furent plutôt décevants et j'ai bien failli être rebuté par cette discipline à la fois technique et barbare. En classe de troisième au lycée Saint-Sernin de Toulouse, une salle d'informatique venait de s'ouvrir aux élèves motivés. Il fallait s'inscrire longtemps à l'avance et on pouvait, une heure par semaine, entrer dans le Saint des Saint de la technologie. L'ensemble comportait deux pièces. La première, plus petite et brûlante, offrait dès le départ à nos yeux ébahis, l'Ordinateur, une armoire métallique verticale, imposante, quelques lumières rouges et vertes clignotant par le devant. Comme dans les films ! C'était un IBM, déjà obsolète à l'époque (c'est dire), offert au lycée par une entreprise qui changeait son matériel. Il flottait dans cette pièce une odeur de poussière et de Bakélite surchauffée. La machine crachait de temps en temps, avec force crépitements, une mince bande de papier perforé. Pas de mémoire de masse à l'époque, chaque élève repartait avec un rouleau de papier maintenu par un élastique. Invariablement, on s'amusait à former un long cône en pressant sur l'intérieur du rouleau... et notre programme devenait illisible par la machine à force de mauvais traitement ! La pièce suivante, alignait les consoles, écran verdâtre et clavier accolés. Après un présentation rapide de Basic, une initiation au clavier (notre vitesse de frappe devait être de trois lettres à la minute), hop ! Allez programmer les jeunes ! C'était âpre. Le premier programme que j'ai essayé d'écrire était basé sur un organigramme paru dans Science&Vie, c'était le Jeu de la Guerre Froide, il simulait l'équilibre des forces Est/Ouest en présence. Ce programme devait faire une trentaine de lignes, mais hélas, souffrait d'un bug qui l'a toujours empêché de fonctionner. Le problème était que l'Education Nationale, dans sa grande clairvoyance, avait décidé de former à l'Informatique les professeurs d'Anglais (l'informatique c'est en Anglais, mon bon monsieur) et non de Science ou même de Mathématique. La pauvre responsable, professeur d'Anglais de son état, totalement dépourvue de sens logique, était complètement dépassée par les événements. Elles était sure à 100 % que "Goto" voulait dire "Aller à", mais "Qui" ? devait aller "Où" ? C'était sa question. Bloqué, dépité, j'ai laissé tomber pendant au moins deux ans. Jusqu'à ce qu'un Tandy ouvre à coté de chez moi... |
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by Didier Guillion | | |
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1980. Dans notre quartier, le premier magasin d'électronique et informatique venait d'ouvrir. Un Tandy. La salle principale proposait toute sorte de composants sous petits sachets, kits, transistors, condensateurs. Une petite pièce contiguë réservée aux micro-ordinateurs, exposait des TRS-80 et quelques mois après, un TRS-80 Color. Le gérant était Monsieur R***, d'une remarquable gentillesse, il nous laissait (Olivier et moi) occuper sa pièce de démonstration des heures durant, tout content de voir de l'animation dans son magasin. Nous n'avons jamais osé lui dire que ses machines étaient bien au-delà de ce que l'on avait les moyens d'acheter... Mais il était toujours derrière nous, le sourire au lèvres, "Alors, ça va ?". Merci à lui. Il faut se rappeler une chose importante. A l'époque on achetait un ordinateur pour programmer, il n'y avait quasiment pas de logiciels tout faits. Parfois, quelques petits programmes de démonstration était fournis dans le manuel sous forme de listing que l'on pouvait recopier (la plupart des ordinateurs étaient livrés sans périphérique de stockage). A ce sujet une anecdote amusante. Un jour, dans le magasin, une personne vient nous demander :"J'ai entré un programme mais il ne marche pas, vous pouvez jeter un coup d'oeil ?". On regarde. Le manuel du TRS-80 Color présentait une page en couleur avec des graphismes, en dessous une légende en Anglais disait "Avec le programme de la page suivante vous pourrez réaliser ces graphismes multicolores.", c'était cette phrase qu'il avait saisie... Nous avons exploré le Basic, entré des programmes que l'on recopiait de revues comme "L'ordinateur individuel". Pour faire des graphismes, il fallait insérer des caractères spéciaux dans des chaînes de caractères. On comprenait la moitié de ce que l'on tapait, mais, jour après jour, on apprenait. On avait dessiné un clavier QWERTY sur une feuille de papier et, le soir, chez nous, on s'entrainait à accélérer notre vitesse de frappe. Ce qui m'avait le plus impressionné, c'était une démo du TRS-80 où un petit robot parlait à l'écran avec une voix synthétique. A l'arrivée du TRS-80 Color, et de ses modes graphiques, nous avons commencé à écrire de vrais programmes que l'on pouvait sauvegarder sur cassette audio. C'était magique, plus la peine de tout retaper à chaque fois, on faisait lire la cassette et on retrouvait notre fichier source ! Mon premier programme sur le TRS-80 Color fut un calcul de profil d'aile d'avion (à l'époque je construisait des planeurs radio-commandés). A partir d'un profil genre Epler 193 et du nombre de nervures, il dessinait leur gabarit. Peu après, nous avons acheté notre première machine. Pas un ordinateur, car c'était au dessus de notre budget, mais une calculette programmable, une HP-34C. |
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by Didier Guillion | | |
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En cette année 1980, le marché des ordinateurs individuels était tout juste naissant. Lecteur assidu de Science&Vie, je compulsais avec attention les articles sur le sujet. On parlait bien d'un petit dernier, le ZX-80, vendu 1 000 francs, mais il n'était disponible que par achat par correspondance, avec des délais de livraison totalement décourageants. Certains constructeurs, comme Acorn, proposaient des ordinateurs en kit à monter soi- même, et tout le reste était cher, trop cher, un TRS-80 Color coutait plus de 6 000 francs, quant aux Apple II, personne n'en avait jamais vu. Par contre, du coté des calculatrices programmables, il y avait un choix intéressant. D'un coté Texas Instrument, de l'autre Hewlett-Packard. Ce dernier proposait une méthode de saisie fabuleuse, la notation polonaise inverse. Cela permettait, moyennant une phase d'initiation un peu douloureuse il faut le reconnaître, d'entrer des équations sans les parenthèses. Et ça marchait ! Nous avons réuni nos deux cagnottes, et le 13 octobre 1980, nous avons acquis pour 812 francs, à la FNAC de Toulouse, une HP-34C. Et quand je dit "réuni", c'est vraiment le mot, puisque les derniers 50 francs étaient en pièces de 20 et 10 centimes... Je me rappelle que la vendeuse de la FNAC, un peu surprise a dit "Mais vous avez cassé votre tirelire!". Notre première machine, bien à nous ! Tout de suite nous avons commencé à écrire des jeux, un MasterMind, un jeu de pronostic boursier, des batailles intergalactiques et même une course de voiture. L'affichage était uniquement numérique sur 11 chiffres. On pouvait écrire quelques mots, mais il fallait retourner la machine pour les lire... Il y avait une centaine de pas de programme, mais bien sûr par de mémoire de masse. Pour jouer à un jeu, on effaçait d'abord celui qui était en mémoire et on entrait ligne à ligne le suivant. Nous notions donc tout sur des fiches. (voir la fiche en grand) Notre brave HP-34C est encore dans mon grenier puisque nous avons gardé toutes nos machines. La batterie a fondu mais le reste tient bon. Quand on appuie sur les touches, on ressent encore le toucher inimitable des HP. Après plusieurs mois, nous avons commencé à nous sentir un peu à l'étroit sur cette petite machine. Des ordinateurs individuels d'un prix abordable ont commencé à arriver. Et ce fut la grande bataille entre le TI99/4A et le Vic 20... |
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by Didier Guillion | | |
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